lundi 28 avril 2008


VERONIQUE OMVOGHO

La grâce aux sept mamans


Véronique Omvogho est installée en France depuis une bonne vingtaine d’années. Elle est médiatrice à la bibliothèque François Mitterrand, métier qu’elle exerce également au centre nautique du Mail. Ainsi, une semaine sur deux, on peut la croiser dans les allées de la bibliothèque, surveillant discrètement son périmètre, n’usant de son pouvoir qu’en cas de grabuge.
Originaire du Gabon, Véronique a toute la grâce et toute la beauté de l’Afrique de mes amours. Son charme nonchalant, ce je ne sais quoi de sensuel conjugué à une spontanéité joviale et sans fard lui confèrent une prestance toute naturelle. Avec son franc-parler rigolard, elle m’avait lancé certain jour tout à trac : « C’est quoi ça ? Les gens viennent se confesser chez toi ou quoi ? Moi aussi, j’aimerais me confesser » me taquinait-elle de sa voix rieuse. Car elle me voyait effectivement me retirer dans quelque coin de la bibliothèque avec toute sorte de personnes en prévision de mes portrais. De bon cœur, j’ajoutai le nom de Véronique à ma liste de rencontres chenevelières et le parfum d’Afrique qu’elle m’apporta me fit, je l’avoue, l’effet d’une bouffée d’oxygène.
Elle est ainsi Véronique : franche, directe, vraie, une femme de cœur et de caractère. Elle vous regarde droit dans les yeux et vous jette ce qu’elle a sur le cœur à la figure. Elle taquine volontiers ses collègues, n’hésite pas à remettre des lecteurs bruyants à leur place, et s’il le faut, me dit-elle, elle est prête à les défier pour une petite explication à l’extérieur pour leur rabattre le caquet, quitte à en faire un pugilat ! Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’a peur de personne, et je gage que son franc-parler et sa sincérité, s’ils lui ont attiré quelque inimitié, ne peuvent que lui valoir l’estime de tous. En tout cas, moi, elle m’a conquis par son naturel et sa vivacité toute africaine. Même si elle est aujourd’hui Française, on devine bien qu’elle est restée Gabonaise dans l’âme et dans le cœur. J’ai été l’été dernier au Mali et j’étais heureux de baigner au milieu d’un peuple aussi accueillant et aussi vrai. Je sais bien que le Gabon n’est pas le Mali, mais croyez-moi si je vous dis que l’Afrique du cœur ne reconnaît pas les frontières, et que ce vaste territoire est un continent de savoir-vivre et de générosité. Les gens ne calculent pas, ne rusent pas, ne trichent pas. Ils partagent avec vous le peu qu’ils ont, et s’ils n’ont rien, eh bien, même ce rien, ils le coupent en quatre et vous en donnent une part. C’est peut-être comme ça que je suis devenu AlgéRien. Dans mon subconscient, ce sont sans doute ces valeurs que j’ai cherchées – et que j’ai trouvées – auprès de Véronique. Elle qui a sept mamans comme elle s’en vante, le fleuve Ogooué qui traverse le Gabon trouve sa source dans sa bouche quand elle parle, et la sagesse des griots ancestraux et le miel des femmes gardiennes de la mémoire des Fang, son peuple, recouvrent toute leur saveur et leur sens dans son verbe.

*

Véronique est née dans un petit village du nord du Gabon, près de la ville d’Oyem, capitale de la province de Woleu-Nt’em, important carrefour situé aux frontières à la fois du Cameroun et de la Guinée Equatoriale. Comme je viens de l’évoquer, Véronique fait partie du peuple Fang, l’une des plus importantes ethnies de la région qui rayonne sur tous les pays alentour. « D’après mon grand-père, le peuple Fang vient du Nil. Il fuyait la famine et les guerres et il s’est arrêté là » dit Véronique. « La Guinée Equatoriale est composée à 90% de Fang, de même que le sud du Cameroun.» ajoute-t-elle. Le fang, c’est aussi la langue maternelle de Véronique. « Il y a une soixantaine de langues au Gabon, et de temps en temps on ne se comprend pas ». Le Français, elle l’a appris à l’école. Il faut noter à ce propos que le Gabon a lui aussi subi la colonisation française, et ce, jusqu’en 1960. « Il fallait faire 14 km par jour entre le village et l’école en aller-retour pour étudier. Et les écoliers y allaient pieds nus. Ça se passe encore comme ça aujourd’hui. »
Avant de venir en France, Véronique menait une vie plutôt pépère. « J’avais une bonne situation et rien ne me poussait à partir. Je travaillais comme secrétaire. Je n’étais pas mariée mais j’avais un fils. » dit-elle. Et d’évoquer la chaleur familiale typique des tribus africaines et leur ambiance de fête au village, avec, à la clé, cette confidence : « J’avais sept mamans et une vingtaine de frères et sœurs ». « Le Gabonais a le droit de se marier avec dix femmes légalement à la mairie » explique Véronique en partant d’un gros rire. « Mon père avait sept femmes et moi je baignais dans cette famille pleine d’affection. Je n’ai jamais vu mes mamans se disputer » assure-t-elle. J’avoue que quand j’ai entendu Véronique dire « mes mamans », cette formule m’a touché. Je l’ai trouvée presque émouvante. Loin de s’embarrasser de cette polygamie, et usant de son humour et de sa bonne humeur à volonté, Véronique me présenta la chose avec une affectueuse désinvolture. Elle se réjouissait de pouvoir ainsi accroître ses ressources affectives dans ce gisement inépuisable de maternité. « Si je rentre dans n’importe quelle maison, je dis j’ai faim maman et on me donne à manger. Je trouve mon père en train de manger dans la maison de l’autre, je m’installe tranquillement et je mange à ma faim. Si je dois puiser de l’eau pour ma maman, je dois puiser de l’eau pour les autres. Il y avait une harmonie totale » se souvient Véronique. « Pourtant, il leur arrivait de se disputer, mais pas devant nous, les enfants. Je n’ai pas connu ça, du tout. J’étais vraiment bien. Quand on se retrouve, c’est les embrassades, on est collées les unes aux autres. » Dans la grande maison qu’est le Gabon, si l’ambiance est moins joyeuse, elle ne confine pas à la catastrophe non plus comme c’est le cas en de nombreux pays africains. « Le Gabon a toujours été un pays paisible, contrairement à d’autres pays. Nous n’avons jamais connu de guerre. Il y avait quelques fois le couvre-feu, mais ça ne durait pas longtemps. D’ailleurs, il est rare de voir un Gabonais s’installer à l’étranger. Maintenant, on s’installe. A Paris, il y a beaucoup de Gabonais, des étudiants pour la plupart. Ils viennent faire leurs études et ils rentrent au pays ».

*

Comment Véronique s’est-elle retrouvée en France ? Elle me dira que c’est par le biais de deux de ses sœurs qu’elle est venue dans l’Hexagone avec, pour mission, de s’occuper des enfants de ces dernières. D’après ce que j’ai compris, ses soeurs désiraient voir leurs enfants grandir en France. Employées à la compagnie aérienne du Gabon, elles avaient un niveau social appréciable. Véronique débarqua ainsi à Paris à la fin des années 1980. Elle avait 22-23 ans. Elle avait confié son fils à sa famille et était venue en prospectrice pour tâter le terrain, toujours aidée par ses sœurs. «Je n’ai eu à m’occuper de rien. Ce sont mes sœurs qui ont tout fait. J’ai laissé mon fils au Gabon. Je pouvais le ramener, mais ce n’était pas le but. Le but, c’était d’abord de m’installer avec les enfants de mes sœurs. Elles m’ont demandé de monter dans l’avion, ce que j’ai fait. Je n’avais jamais voyagé en Europe auparavant, c’était vraiment une aventure. Ça faisait trois ans que je refusais, et ma sœur me disait c’est une bonne aventure, tu vas vivre autre chose, tu peux apprendre plein de choses en partant, et à ton retour, tu peux revenir avec un diplôme. » Ses parents ne s’opposent pas à son départ. Ils l’y encouragent même. « Mon père n’a pas beaucoup voyagé, mais c’est quelqu’un de très libéral. Il aimait les aventures, lui-même en a fait beaucoup étant jeune. Il n’a jamais interdit quoi que ce soit à ses enfants. »
Dans un premier temps, Véronique s’installe à Sarcelles, dans le Val-d’Oise, avant d’emménager à Garges-Lès-Gonesse. « Au début, c’était difficile parce que je me perdais tout le temps dans les trains. » se souvient-elle en riant. Véronique poursuivait alors une formation professionnelle. « Comme j’étais secrétaire au Gabon, j’ai choisi de me perfectionner dans ce domaine en m’initiant à l’outil informatique » dit-elle. « En même temps, je m’occupais des enfants de mes sœurs. En tout, j’avais six gosses à la maison. » Elle me précisera qu’au jour d’aujourd’hui, des six enfants, il n’en reste aucun, les six ayant grandi entre temps et partis voler de leurs propres ailes. « J’avais mon fils à moi, deux enfants de ma petite sœur et une fille de ma grande sœur que j’élevais en même temps. Celle qui travaille à la compagnie aérienne, j’ai gardé sa fille après le mariage. Ma petite sœur, elle, elle ne travaillait pas. Elle n’avait rien. Quand je suis partie chercher mon fils, je l’ai trouvée avec un bébé qui avait une dizaine de mois, il s’est collé à moi, il ne voulait plus me lâcher, alors je l’ai gardé. Des six, deux sont repartis. Ils ont grandi maintenant. Les autres sont encore avec moi. Ils connaissent leurs mères bien sûr. Ils les voyaient en photo, et maintenant, ils les voient régulièrement quand on va au Gabon. » La petite fille aux sept mamans devenait ainsi la maman d’une progéniture multiple.
Pendant son séjour à Paris, Véronique ne travaillait pas. Elle était choyée comme une reine. «Dans ma tête, je n’étais pas venue pour travailler ni m’installer, j’étais venue pour mes sœurs. Je ne payais rien du tout. Ma famille était aisée, elle s’occupait de tout. Même pour les billets, quand je voulais partir au pays pour les vacances, mes sœurs s’en chargeaient.» Véronique avait même droit aux douceurs du pays que ses sœurs lui faisaient convoyer via la compagnie aérienne où elles travaillaient. « Presque toutes les semaines, elles étaient avec moi. Je ne voyais pas les autres membres de la famille mais mes sœurs étaient presque tout le temps avec moi. Je ne faisais même pas le marché. Si j’avais besoin de quoi que ce soit, je téléphonais, et elles me le ramenaient. Parfois, elles m’envoyaient les courses et j’allais les récupérer à Roissy. Même la bouffe, elle venait du Gabon. Il y avait de grandes glacières de 100 litres et je recevais tout du Gabon. »
Au début des années 1990, Véronique débarque à Dijon. « J’ai quitté Paris pour Dijon parce que ma sœur me disait qu’en Province, les appartements sont moins chers que dans la Capitale » argue-t-elle. Sa sœur connaissait des membres de la communauté gabonaise à Dijon. « Elle connaissait aussi un couple de blancs qui étaient venus au Gabon. Elle les avait bien reçus à l’aéroport où elle travaillait. La première nuit que j’ai passée à Dijon, c’était chez eux. » Et c’est dans la capitale de la Côte d’Or que Véronique rencontre l’homme de sa vie. «Mon mari était originaire de Sens. » souligne-t-elle. « C’est après notre mariage que je suis venue à Chenôve. Comme on vivait dans un studio trop petit, on avait demandé une HLM et on nous a donné un appartement de quatre pièces à l’immeuble Charles Péguy. Je suis arrivée à Péguy en septembre 1991.»

*

Véronique prend très vite ses marques au sein de l’immeuble Péguy. Son seul souci, au départ, c’était la hauteur. Elle n’y était pas habituée, et la tour lui donnait le vertige les premiers jours. «J’étais au 9ème étage. C’était la première fois que j’étais aussi haut. Quand j’allais à la fenêtre, j’avais les genoux qui tremblaient, et je reculais en courant. » Pour le reste, le voisinage, la vie dans le quartier, elle en garde de très bons souvenirs. « On était bien, les voisins étaient bien. J’avais des voisins Portugais en face, et si je n’étais pas là, je ne m’inquiétais pas. Pendant le ramadhan, la voisine d’en bas, Madame Sebani, faisait du couscous pour tout le monde. C’était chouette, quoi ! Nos enfants ne se bagarraient même pas. » Forcément, quand le 26 février 2004, le Péguy devait être déconstruit, cela ne la laissa pas indifférente, même si elle n’y habitait plus. De fait, Véronique avait quitté Péguy en 1996 pour un appartement plus grand dans la tour d’à côté, l’immeuble Clément Ader attenant au centre commercial Saint-Exupéry. « Ça m’a fait un petit pincement au cœur. On était montés au Plateau et j’avais assisté à la démolition. En quelques secondes, il n’y avait plus rien que la poussière. Même si c’est pour la bonne cause, ça fait mal. C’est une petite partie de ta vie qui descend. Qui part en fumée
Véronique se fait donc engager comme médiatrice par la ville de Chenôve. Elle m’avouera en riant qu’au début, elle n’entendait rien à ce curieux métier qu’on lui proposait. « Quand on m’a prise comme médiatrice, je ne savais même pas ce que ça voulait dire. J’ai entendu comme quoi la mairie va embaucher des gens pour travailler dans la ville. J’ai déposé ma candidature et on m’a acceptée. J’ai commencé par la piscine. En fait, le métier de médiateur, c’est l’Etat qui l’a mis en place. Donc, ni la ville ni nous-mêmes ne savions ce que c’était réellement. Il fallait recruter des gens du quartier et je me suis retrouvée là-dedans. Par la suite, grâce aux formations que j’ai suivies, j’ai su ce que signifiait mon métier. J’ai su qu’il ne fallait pas que je m’énerve (elle éclate de rire), et moi, quand je m’énerve, ce n’est pas bon. Donc, il fallait que je soie moi-même déjà calme, que je me maîtrise, pour pouvoir maîtriser les autres. » Pour elle, le travail de médiateur passe essentiellement par le langage, par l’écoute : «Le métier de médiateur consiste à parler avec les gens pour que ça ne dégénère pas. Avant, les jeunes jetaient les livres par terre, insultaient les employés, leurs crachaient dessus. Nous, nous essayons d’empêcher que les choses dégénèrent. On est là pour calmer le jeu, donc, on essaie de trouver les solutions les plus adaptées pour que le calme règne dans la bibliothèque. S’il y a un conflit entre les collègues et le public, on doit gérer ça. Il m’arrive de hausser le ton pour calmer les jeunes. Parfois, ils sont difficiles. Il faut écouter beaucoup. On ne donne pas de solutions toutes faites aux gens. Il faut les pousser à trouver la solution eux-mêmes en les écoutant. »
Véronique proteste contre ceux qui réduisent Chenôve au cliché d’un quartier sensible : celui du Grand Mail. « Les émeutes, je les lisais dans les journaux. Dans mon immeuble, il n’y a jamais rien eu. Même les voitures brûlées, je n’en ai jamais vu.» Et de me raconter cette anecdote désopilante : « La seule voiture brûlée que j’aie vue, c’était celle de mon mari. Elle avait pris feu toute seule parce qu’il faisait très très chaud cet été-là. On se préparait pour aller faire une balade avec les enfants au Lac Kir, et une fois en bas, plus de voiture. Elle avait cramé et il n’en restait que la carcasse fumante. Dire qu'on n’avait rien remarqué. » Véronique, comme beaucoup de bonbis, était écoeurée de voir les gens faire une fixation sur le côté « chahutant » de la ZUP de Chenôve. « Ce qui me faisait de la peine, c’est que on ne disait que du mal de Chenôve dans les médias. On ne voit pas le travail intelligent qui s’y fait. Dès qu’il y avait le moindre truc, on en faisait toute une histoire. Quand je disais aux gens où j’habitais, il s’écriaient : « T’habites Chenôve ! » On me disait : « Mais il y a des bandits à Chenôve », et je répondais que je n’avais encore jamais vu un bandit à Chenôve. » Et de poursuivre : « Je suis quelqu’un d’insomniaque, j’étais sans travail à une époque et quand je ne trouvais pas le sommeil, je descendais à 2h du matin me promener dehors. Eh bien, jamais, au grand jamais je n’ai eu le moindre problème. Parfois, j’allais me promener aux alentours du Cimentière. J’avais une chienne, et quand je n’arrivais pas à dormir, au lieu de tourner en rond, je prenais la chienne et on allait faire un tour jusqu’au cimetière ou du côté du Casino. J’ai toujours croisé des jeunes, ils ne m’ont jamais agressée, jamais dit un mot de travers. »
*

Politisée et très engagée dans le débat citoyen, Véronique souhaite voir toutes les communautés s’impliquer davantage dans le processus politique par le biais notamment du vote. « Le vote, c’est important » plaide-t-elle en conjurant le spectre de l’abstentionnisme. « Le problème, c’est que on ne s’implique pas beaucoup, et quand on veut s’impliquer, il y a des barrages. Il y a un travail à faire là-dessus. Les partis, les institutions, doivent s’ouvrir. Mais ils ne s’ouvrent pas. C’est dommage. On a encore du mal avec les immigrés. Qu’une Rama Yade ou une Rachida Dati soient au gouvernement ne veut rien dire. C’est de la poudre aux yeux. Ce n’est pas une vraie ouverture. On ne peut pas traiter les gens de racailles et parler d’ouverture. » Pour Véronique, « il faut commencer par l’échelon le plus bas ». Elle constate non sans regret que les «Français d’origine étrangère » peinent à trouver pleinement leur place au sein de la société française, eux qui sont constamment stigmatisés selon elle. « On demande aux étrangers pas encore Français de s’investir, de s’intégrer. Est-ce que le Français, lui, s’intègre à moi ? Parce que, pour qu’il y ait une vraie intégration, il faut que ça soit dans les deux sens, que ça soit réciproque. J’ai passé dix ans de mariage sans vouloir prendre la nationalité. A la moindre chose, j’entends « étranger », « étranger »… Quand un Français d’origine étrangère passe à la télé, on dit toujours que c’est un « français d’origine ». Pourtant, moi, mes aïeux étaient Français puisqu’on était colonisés par la France. Mon père était Français. C’est à partir de 1960 qu’il y a eu l’indépendance du Gabon, et que je suis devenue Gabonaise. Mais sur l’acte de naissance de mon père, c’est marqué Afrique Equatoriale Française. Donc, il est Français. Je suis Française. A 100%. On doit assumer ses responsabilités historiques. Si on ne les assume pas, on n’est personne.» Véronique estime que les deux Chenôve, celui du haut et celui du bas, ne sont pas mélangés. «Les gens du Vieux Bourg avaient peur de ceux du bas à cause principalement des images qu’ils voient à la télé. Mais au-delà de ça, le Français ne va pas vers les autres. Il faut que ce soit toi qui fasses le pas vers lui. Moi je pense qu’il faut que ça se fasse dans les deux sens. On est dans un monde où tout est mélangé, on n’est plus en 1900 ou en 1800. Les gens voyagent beaucoup maintenant, et ça se voit, les Français qui ont voyagé et les Français qui n’ont pas voyagé n’ont pas la même façon de voir les choses. Celui qui a voyagé comprend mieux les étrangers. Une personne comme moi, je suis née au Gabon, j’ai grandi au Gabon, je suis arrivée ici adulte, on ne peut pas me dire d’oublier ma vie que j’ai vécue avant pour embrasser la vie d’ici et être comme les gens d’ici. Non. Ça se fait petit à petit. Il y a ceux qui y arrivent et il y a ceux qui n’y arrivent pas. Donc, il faut arrêter de leur dire tout le temps vous n’y arrivez pas, vous êtes à part. C’est ça le problème. On est toujours à part. »
Malgré les péripéties parfois malencontreuses rencontrées sur la route de l’intégration, Véronique se sent aujourd’hui pleinement Française et pleinement Bonbie. « Je veux rester ici, Chenôve c’est ma vie. J’y ai vu mes gosses grandir. Je ne quitterai pas Chenôve, ça, jamais. Je suis une Bonbie à 100% aujourd’hui. J’habite Chenôve, je m’y sens chez moi, et je défendrai cette ville. Quand on me dit « Ah, t’habites Chenôve… » Oui, j’habite Chenôve et j’en suis fière! »

Mustapha Benfodil

Aucun commentaire: