mercredi 9 avril 2008






Moisson de textes

Les textes présentés ci-dessous ont été écrits par les participants à l’atelier d’écriture que j’anime à Chenôve depuis le 27 mars 2008. Ils ont pour cadre l’exposition Ligne de Mire de Fred Gagné et Hervé Scavone qui a été notre source d’inspiration lors de la séance du vendredi 4 avril. Je vous laisse le soin de lire et d’apprécier.


M.B.

*

Mon éternel champignon

Toi que j’ai vu pousser

Toi que j’ai arrosé avec le sang de mon arcade

Le miroir renvoie ton image

Tu m’as donné la joie de vivre

Avec ces naissances qui se perdent aujourd’hui

comme la perte de Charcot

Je la refuse, on reviendra raviver ta flamme

aussi longtemps qu’on respirera

dans ce village fleuri.

Roza ZAOUACHE

*

Tous de plain-pied dans un même carré.

Jour de marché, convivialité rassemblée en une même cagette.

Marché en fleurs, jardin de discussion, bruits mélangés.

Le temps ne s’observe plus, il ne fait que passer entre les pieds de ces gens qui sont au bas du marché

Beaucoup de mouvements, des poupées aux ombres, ils ont un toit.

Une pile de toits, tous avec une grande capuche, mais chacun a la sienne.

Des boîtes empilées sur un rond de tête. Faut-il une échelle pour accrocher les capuches ?

C’est une échelle donnant sur une fenêtre ; fenêtre montrant de multiples têtes où chaque regard semble s’être croisé et chaque regard a son matricule.

En montant l’échelle, on arrive sur le toit du marché. La fenêtre y est ouverte. Chacun y trouve une cagette. Une fois sa capuche bien accrochée, notre ombre apparaît dans les regards. On redescend l’échelle pour retourner de plain-pied dans ce même carré.

Anne-Lise LODENET

*

Cette ville en déconstruction/reconstruction, c’est un œuf que l’on mire pour en connaître l’intérieur.

Gardée par des chats, empilée sens dessus dessous, confrontant ses espaces dans un manège sans fin.

Une déambulation portée par des ciels bleus au-delà du réel m’amène à remonter ses lambeaux, modes de vie verticaux sans interdits.

Chantal FERREUX

*

Arraché, mis à nu, le vagin de béton a fleuri sous le regard des passants.

Dans le silence, dans ces autorisations profondes, les enfants en noir et blanc ont ri.

- courir – traverser – jurer

La grand-mère tourne la tête, regarde sa montre : ne pas voir !

- trucages – photos pour dire

La lumière ocre a caché les taches et les fêlures, les hommes sont partis, les femmes se sont tues.

Nadine PICCOLO

*

Ce soir je veux tourner le dos à ces murs qui me parlent d'un passé toujours Présent. Mais ma Volte-face me renvoie une image morne et triste de murs délabrés, d'immeubles défoncés, abandonnés, qui crient le désespoir de leurs âmes envolées, de leurs âmes enfuies.

Que reste-t-il de Chenôve, ville fleurie?

NON, les chiens ne sont pas interdits.

Les sens ne sont pas tous giratoires.

La vie des Aînés se déroule dans une tranquille lenteur, tandis que parmi eux, les plus vaillants, debout, tentent de viser, la boule du voisin, ajustant leurs gestes sur le temps qui s'écoule. Les vieilles femmes, assises sur leur banc semblent insensibles au temps.

Je voudrais que tout éclate de joie, de bonheur.

Mais NON, Ci est le calme autour de moi. Tout est figé.

Si je voulais me retourner encore et seulement un petit peu, j'apercevrais sans doute un petit coin de ciel bleu.

Marie-Luce

*

Parmi cette belle brochette de chanceux, il semblait que le chaos s’était déjà installé. Deux semaines dans cette boite de sardines avaient suffit aux deux joueurs de boules pour s’égorger et se manger chacun un bras (allez deviner lequel…).

La petite fille, elle, avait appris l’alphabet chinois et je pensais (à juste titre l’histoire me l’a confirmé) qu’elle pouvait devenir une oratrice de renom, un jour, tellement elle avait eu le plaisir de nous le rabâcher chaque jour qui passait.

Le petit reste de la bande nageait en rond, s’observant, essayant de trouver qui pouvait accéder au titre de Mâle Dominant de cette si petite boite.

Qui sortirait indemne de cette aventure…

Coincée entre le couvercle et la tête du géant de mais (arrivé on ne sait comment d’ailleurs), le petit Amir répétait sans cesse la même phrase : « Je n’ai jamais aimé l’huile d’olive et je refuse d’être né dans un choux ». Il le répétait encore et encore à nous faire culpabiliser d’être là….

L’attente dans l’âme, Amir comprit que la seule manière de sortir vivant, de survivre parmi ce chaos devenu son lieu de vie, était d’être le plus rapide et le plus malin, quand le proprio, un petit creux dans l’estomac ouvrirait le couvercle : liberté !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Helen RINDERKNECHT

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Jamais deux sans doigts !

Zobi et Zoba sont inséparables, tels les doigts de la main. Zobi, c’est celui qui dit ci, qui dit ça… Zoba, c’est celui-là qui fait comme le frère aîné et pointe un doigt impudique à la manière du grand khouya – geste atavique poussé à son comble ! Ceci dit, la vie est faite de signes, pas toujours très catholiques, genre faire la nique au passant ou au photographe. Remarquez, Zoba, c’est aussi le quèquet qui roule des mécaniques en Ferrari XL sur la voie publique pendant que Zobi lui indique la ligne de conduite : tout droit et bien profond !

Patrice EPERY (patrice.epery@tele2.fr)

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Un jour, Magritte a peint des hommes qui flottaient dans le ciel. Aujourd’hui, Chenôve laisse des fantômes errer dans des appartements couverts de papier peint aux allures de ciel bleu. Le bleu, les oiseaux qui s’envolent : une perspective d’avenir et d’envol pour ses habitants, Va savoir…

Les lignes qui s’élancent vers l’horizon sont-elles des directions à suivre ? Tous ces sourires ne cachent-ils pas en fait une profonde solitude ?

Solitude incarnée par les trous béants laissés dans les murs de cet immeuble tels des plaies sanglantes et ouvertes sur un passé parfois difficile et douloureux, mais au final, la communauté et son union font la force.

Attention, prudence !

Aurélie FERRARI

*

Charcot disparaît. Depuis qu’il va être supprimé, implosé, rayé de la surface de la terre, je le regarde avec sympathie depuis mon quatrième étage d’un immeuble voisin. Une question me hante : de quel Charcot, ce vieux monstre de béton, porte-t-il le nom ? Du père, Charcot Jean-Martin, neurologue spécialiste de l’hystérie et de l’hypnose ? Ou bien du fils, Jean tout court, océanographe disparu en mer. Pourquoi pas Double Charcot ? Un nom, c’est important. Qui avait-on voulu honorer ? Ou déshonorer en nommant ainsi une telle barre de béton ? Le mimétisme d’un grand nom devait-il rejaillir sur la qualité de vie ?

Je connais un autre bâtiment Charcot qui, lui, tient bien debout : il est à l’hôpital psychiatrique de la Chartreuse., on comprend vite qui est cité.

Le Monsieur nous a dit de nous brainstormiser. Donc amicalement j’obéis ; c’est mieux que lobotomiser, atomiser, ou sodomiser…Je ne connais personnellement aucun des trois !

Mes méninges bouillonnent. Connaissez-vous la terrible maladie de Charcot ? « Sclérose latérale avec atrophie musculaire ». Voilà ce que dit Monsieur Larousse. Pourvu que le terrain ne soit pas contaminé ! Tout le monde sait que le risque zéro n’existe pas, que la pollution se faufile insidieusement partout. Il faut souvent désamianter, désaturniser, dératiser, dénitratiser, dédioxiniser. Pourvu qu’il ne faille pas décharcotiser ! Sinon, le quartier, voire, la commune, voire les Bonbis eux-mêmes seraient atteints de sclérose latérale. Une question cruciale se poserait alors : latérale gauche ? Latérale droite ? Là, mon bon sens intervient en me disant de ne pas m’aventurer sur un terrain qui ne serait plus strictement médical.

Joëlle Mounier

*

Trous de mémoire

Les murs ont des trous sur la toile. Tunnel de briques éventrées. Cascade de trous qui se font écho et se mirent dans le vide comme un jeu de miroirs. Le temps s’y engouffre comme dans un trou noir. Les dates s’amoncellent, les années, les anniversaires. Des couches et des couches de papier peint. Jaunis, ternis, maculés de souvenirs débiles. Indélébiles. Ma chambre est passée à la tronçonneuse. Les trous dépècent la tour. Ça chlingue l’amiante pourrie. Un tunnel de temps rance transperce toute la tour jusqu’à la chambre à coucher d’Alejandra Carmelo. D’autres trous rattrapent ma course. Les murs se font des jeux de miroir. Mouroir de murs. Ma chambre n’est plus qu’un gruyère de béton puant. Les trous me mangent étage par étage. Je saute dans l’ascenseur social. Le bouton ne marche plus.

Mustapha BENFODIL

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