Le Cèdre totémique
Un magnifique cèdre se dresse, altier, à l’ombre de l’immeuble Charcot. Ce cèdre tutélaire m’a d’emblée interpellé, intrigué, impressionné. Les premiers jours, j’avoue que je ne l’avais pas remarqué, tout imposant qu’il est, occulté sans doute par le brouhaha des engins qui s’agitent autour de l’immeuble en prévision de sa démolition. Un jour, je passais derrière, et là, ce fut pour moi comme une révélation : un arbre solitaire, splendide, tutoyant le ciel de ses branches si hautes, bravant fièrement les croqueuses de béton. J’y ai tout de suite vu l’esprit de Charcot, celui qui va perpétuer sa mémoire une fois le bâtiment rasé. D’ailleurs, en rencontrant ce mardi des habitants de Charcot, ils clamaient en chœur devant la caméra de Jean-Marc Bordet : « Celui-là, il ne faut pas le toucher. C’est lui qui nous amenait de la fraîcheur en été »
Par un inéluctable jeu d’association et télescopage des impressions, j’ai eu une pensée pour Beyrouth, pour le Liban meurtri, le pays du Cèdre. Car cet immeuble, cet immeuble troué, est l’exacte réplique de tous les immeubles bombardés de Beyrouth, dont certains sont restés comme ça, criblés d’obus depuis les premiers jours de la guerre civile en 1975. Oui. Par cette image, par ce cèdre si emblématique du Levant, Beyrouth entra violemment par effraction dans mon champ. A ce méga détail près qu’ici, on démolit, on déconstruit pardon, pour planter de la vie, tandis que là-bas, comme chez nous en Algérie, on fait sauter des immeubles juste pour assouvir la soif criminelle de gens qui n’ont d’autre projet urbain que de nous effacer de toute géographie.
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