Chenôve m’a tuer…
A l’issue de la soirée littéraire organisée en mon honneur pour la clôture de la résidence d’écriture, je me retrouvai avec tous mes amis de la bibliothèque et de l’atelier d’écriture dans le sous-sol de la Bibliothèque François Mitterrand pour un dîner royal. Autour de la table, d’autres personnes se joignirent à nous. Yves Jacques Bouin, Salah Gaoua, Assia Yacine, l’élue municipale Marie-Paule Cros, la présidente de l’association des Amis de la Bibliothèque Christiane Jacquot ainsi que son mari, et d’autres encore. A un moment donné, Nadine nous honora d’un dernier texte, intarissable comme elle est. Elle y immortalisait avec une rare délicatesse les beaux moments partagés dans l’atelier d’écriture en réservant à chacun un petit mot comme dans un récit d’autofiction. Hervé Scavone nous invita pour sa part à scander l'hymne des fêtes populaires bouguignonnes, et je dus me pilier à la tradition en faisant des entourloupettes avec mes mains comme le veut l'usage, sous le regard hilare de Azzedine. Puis, ce fut le quart d’heure cadeaux. Amina et moi en eûmes pour 500 euros d’excédents bagages minimum. Le clou du spectacle fut lorsque ce joyeux farfadet de Azzedine me tendit un paquet. Je ne fus pas très très surpris d’y trouver, en l’ouvrant, un maillot aux couleur de l’OM. Ce n’est pas étonnant quand on connaît l’attachement viscéral du meilleur chtarbé de la planète DZ pour le club de foot de la Cité Phocéenne. Mais là où j’en suis resté battu comme on dit pour un gardien devant un coup-franc de Zidane, c’est quand Azz. m’invita à voir ce qu’il y avait dans le dos. Le maillot n’était ni au nom Samir Nasri, ni de Cissé, ni de Njang, ni de Karim Ziani, mais d’un certain M.Benfodil, star montante des ramasseurs de balle que Pape Diouf a visiblement ramené durant le Mercato des Etoiles sans aviser ma femme. J’en étais sur-le-cul ! Sur le maillot, il y avait en outre, détail de taille, ce chiffre cabalistique : 21 300.
Après cela, comment dormir ?
Du reste, il n’était pas question de dormir. Pas seulement à cause de toute cette émotion dont j’avais pris plein la gueule, mais aussi de tous les bagages et énormes cadeaux dont j’ai été copieusement gratifié. Je dus en laisser de bien onéreux derrière moi à l’instar de cette belle bouteille bourguignonne qui me fut offerte par la mairie de Chenôve avec, à la clé, un service à verres estampillés Chenôve (que j’ai malheureusement oubliés, ce qui en dit long sur mon étourdissement profond en ces instants de grand désordre émotionnel).
Le lendemain, Valérie, Azzedine et Pascale se pointèrent chez nous, rue des Narcisses, dans notre immeuble de l’école En Saint Jacques. On avait tous la gueule de bois. C’était surtout la gueule de marbre. Dans nos yeux se lisait ce mot écrit en gros caractères « DEJA ! ». Oui, déjà. L’heure est venue de se séparer. Et avec ça, je vous ai laissé de la vaisselle que je ne pus, dans la folie de la veille, laver. Je placardai, pour faire amende honorable, une misérable feuille blanche au-dessus de l’évier, sur laquelle j’avais écrit : JE SUIS DEZOLE ! C’était mon ultime autographe. Je jetai un regard attristé sur cet appartement affectueux, meublé avec amour, qui nous a accueillis ma femme et moi, et lui fis mes aux revoirs la mort dans l’âme.
A la gare de Dijon, je trouvai tout un comité, pas d’accueil, mais…non, pas d’adieux, pas envie de prononcer cet affreux mot. Un comité d’honneur disons…Tous mes amis étaient là : Adrien, Helen, Fatima, Marie-Luce et son adorable fils Maxime, Anne et Patrice, sans oublier Nadine et son fils Hugo que je fus très heureux de retrouver. A un moment donné, Helen sortit des guirlandes d’une boite en plastique comme on sort un lapin d’un chapeau melon. Sur des espèces de pétales blancs, on avait écrit des mots, des noms, des formules à tuer. Oui. Chenôve m’a tuer, eus-je envie de crier, tant j’étais ému, touché jusqu’aux larmes, écrabouillé par tant de sollicitude. Chez nous, il y a une expression populaire qui dit de quelqu’un qui vous « accable » de sa bienveillance : « Il m’a tué d’honneurs ». C’est ce qui m’est arrivé : si on m’avait retrouvé mort sur le quai et qu’on m’avait fait une autopsie, on saurait que c’est cet excès de générosité qui a eu raison de mon pauvre cœur mou. Pascale en remit encore une couche en sortant de sa boîte à merveilles deux autres paquets comme si tout ce trop-plein d’obligeance n’avait pas sufi à m’asséner le coup fatal. Pour me porter l’estocade, elle extirpa de son cœur grand comme un aéroport un dernier paquet qui me toucha tout spécialement : c’était une enveloppe qui contenait son recueil de nouvelles, un tapuscrit de tonnerre de Dieu intitulé : « Les Mal tombés ».
Vous m’avez comblé de cadeaux, mes chers amis, et à présent, je ne peux plus marcher. Vos cadeaux m’ont terriblement touché mais laissez-moi vous dire, sans fioriture mécanique aucune, et sans être désolé : Mon plus beau cadeau, c’est vous !
Dans le petit mot que je prononçai lors de la soirée de clôture, et citant le cas du Dalaï-lama qui a été fait récemment citoyen d’honneur de la ville de Paris par M.Delanöe, j’ai eu l’impudence de demander à être fait Bonbi d’honneur et citoyen du cœur de la ville de Chenôve. M.Esmonin a eu la bonté d’exaucer mon vœu. Je suis donc officiellement des vôtres, on ne peut plus se quitter !
Mille bises et merci pour tout !
Merci d’exister.
Mustapha Benfodil
A l’issue de la soirée littéraire organisée en mon honneur pour la clôture de la résidence d’écriture, je me retrouvai avec tous mes amis de la bibliothèque et de l’atelier d’écriture dans le sous-sol de la Bibliothèque François Mitterrand pour un dîner royal. Autour de la table, d’autres personnes se joignirent à nous. Yves Jacques Bouin, Salah Gaoua, Assia Yacine, l’élue municipale Marie-Paule Cros, la présidente de l’association des Amis de la Bibliothèque Christiane Jacquot ainsi que son mari, et d’autres encore. A un moment donné, Nadine nous honora d’un dernier texte, intarissable comme elle est. Elle y immortalisait avec une rare délicatesse les beaux moments partagés dans l’atelier d’écriture en réservant à chacun un petit mot comme dans un récit d’autofiction. Hervé Scavone nous invita pour sa part à scander l'hymne des fêtes populaires bouguignonnes, et je dus me pilier à la tradition en faisant des entourloupettes avec mes mains comme le veut l'usage, sous le regard hilare de Azzedine. Puis, ce fut le quart d’heure cadeaux. Amina et moi en eûmes pour 500 euros d’excédents bagages minimum. Le clou du spectacle fut lorsque ce joyeux farfadet de Azzedine me tendit un paquet. Je ne fus pas très très surpris d’y trouver, en l’ouvrant, un maillot aux couleur de l’OM. Ce n’est pas étonnant quand on connaît l’attachement viscéral du meilleur chtarbé de la planète DZ pour le club de foot de la Cité Phocéenne. Mais là où j’en suis resté battu comme on dit pour un gardien devant un coup-franc de Zidane, c’est quand Azz. m’invita à voir ce qu’il y avait dans le dos. Le maillot n’était ni au nom Samir Nasri, ni de Cissé, ni de Njang, ni de Karim Ziani, mais d’un certain M.Benfodil, star montante des ramasseurs de balle que Pape Diouf a visiblement ramené durant le Mercato des Etoiles sans aviser ma femme. J’en étais sur-le-cul ! Sur le maillot, il y avait en outre, détail de taille, ce chiffre cabalistique : 21 300.
Après cela, comment dormir ?
Du reste, il n’était pas question de dormir. Pas seulement à cause de toute cette émotion dont j’avais pris plein la gueule, mais aussi de tous les bagages et énormes cadeaux dont j’ai été copieusement gratifié. Je dus en laisser de bien onéreux derrière moi à l’instar de cette belle bouteille bourguignonne qui me fut offerte par la mairie de Chenôve avec, à la clé, un service à verres estampillés Chenôve (que j’ai malheureusement oubliés, ce qui en dit long sur mon étourdissement profond en ces instants de grand désordre émotionnel).
Le lendemain, Valérie, Azzedine et Pascale se pointèrent chez nous, rue des Narcisses, dans notre immeuble de l’école En Saint Jacques. On avait tous la gueule de bois. C’était surtout la gueule de marbre. Dans nos yeux se lisait ce mot écrit en gros caractères « DEJA ! ». Oui, déjà. L’heure est venue de se séparer. Et avec ça, je vous ai laissé de la vaisselle que je ne pus, dans la folie de la veille, laver. Je placardai, pour faire amende honorable, une misérable feuille blanche au-dessus de l’évier, sur laquelle j’avais écrit : JE SUIS DEZOLE ! C’était mon ultime autographe. Je jetai un regard attristé sur cet appartement affectueux, meublé avec amour, qui nous a accueillis ma femme et moi, et lui fis mes aux revoirs la mort dans l’âme.
A la gare de Dijon, je trouvai tout un comité, pas d’accueil, mais…non, pas d’adieux, pas envie de prononcer cet affreux mot. Un comité d’honneur disons…Tous mes amis étaient là : Adrien, Helen, Fatima, Marie-Luce et son adorable fils Maxime, Anne et Patrice, sans oublier Nadine et son fils Hugo que je fus très heureux de retrouver. A un moment donné, Helen sortit des guirlandes d’une boite en plastique comme on sort un lapin d’un chapeau melon. Sur des espèces de pétales blancs, on avait écrit des mots, des noms, des formules à tuer. Oui. Chenôve m’a tuer, eus-je envie de crier, tant j’étais ému, touché jusqu’aux larmes, écrabouillé par tant de sollicitude. Chez nous, il y a une expression populaire qui dit de quelqu’un qui vous « accable » de sa bienveillance : « Il m’a tué d’honneurs ». C’est ce qui m’est arrivé : si on m’avait retrouvé mort sur le quai et qu’on m’avait fait une autopsie, on saurait que c’est cet excès de générosité qui a eu raison de mon pauvre cœur mou. Pascale en remit encore une couche en sortant de sa boîte à merveilles deux autres paquets comme si tout ce trop-plein d’obligeance n’avait pas sufi à m’asséner le coup fatal. Pour me porter l’estocade, elle extirpa de son cœur grand comme un aéroport un dernier paquet qui me toucha tout spécialement : c’était une enveloppe qui contenait son recueil de nouvelles, un tapuscrit de tonnerre de Dieu intitulé : « Les Mal tombés ».
Vous m’avez comblé de cadeaux, mes chers amis, et à présent, je ne peux plus marcher. Vos cadeaux m’ont terriblement touché mais laissez-moi vous dire, sans fioriture mécanique aucune, et sans être désolé : Mon plus beau cadeau, c’est vous !
Dans le petit mot que je prononçai lors de la soirée de clôture, et citant le cas du Dalaï-lama qui a été fait récemment citoyen d’honneur de la ville de Paris par M.Delanöe, j’ai eu l’impudence de demander à être fait Bonbi d’honneur et citoyen du cœur de la ville de Chenôve. M.Esmonin a eu la bonté d’exaucer mon vœu. Je suis donc officiellement des vôtres, on ne peut plus se quitter !
Mille bises et merci pour tout !
Merci d’exister.
Mustapha Benfodil
1 commentaire:
Cher Mustapha,
Je viens de lire votre récit concernant la soirée de clôture de la résidence en écrivain qui eut lieu mardi dernier et dont je fus l'une des vôtres. J'ai passé une très bonne soirée, les nouvelles écrites et lues ce soir là étaient toute d'une très grande qualité.
Je suis très touchée par votre texte relatant votre départ de CHENOVE "à contre-coeur" à tel point que j'en ai les larmes aux yeux. A travers ces lignes, on se rend vite compte qu'une véritable amitié est née avec toutes les personnes que vous avez cotoyé pendant ces quelques semaines, c'est très émouvant.
Je vous souhaite une bonne continuation et à bientot.
En attendant, je continuerai à prendre de vos nouvelles sur votre blog.
Sandrine RICHARD, Adjointe au Maire de CHENOVE
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