mercredi 26 mars 2008



PASCALE CHARBONNEAU
la bibliothécaire enchanteresse

Dès le premier mail que je reçus d’elle, j’adoptai Pascale. Ses mots respiraient une telle bonhomie, une telle vivacité, que je n’eus guère de mal à deviner le continent de générosité qui se profilait derrière ces courriels. Et ma rencontre avec Pascale confirma mes intuitions. J’eus d’emblée la sensation que je connaissais depuis toujours cette fringante belle dame aux grands yeux souriants sur laquelle le temps ne semblait point avoir de prise. Aussi ne vais-je pas taire son âge par scrupule mais par simple hommage à son inépuisable énergie et intarissable bonne humeur.

Depuis septembre 2007, Pascale Charbonneau est affectée aux Affaires Culturelles de la mairie de Chenôve, et ce, après vingt-six ans de bons et loyaux services en tant que directrice de la Bibliothèque municipale François Mitterrand. Un quart de siècle au service des livres et des lecteurs, n’est-ce pas qu’elle mérite le titre de Chevalier des Lettres et des Arts, notre chère Pascale ?

Je dois avouer que j’ai été, dès mon arrivée, interpellé par cette bibliothèque plantée au beau milieu du Grand Ensemble, et qui fait un travail remarquable envers le quartier, son environnement naturel, mais aussi toute la ville de Chenôve et l’agglomération voisine, rayonnant à plusieurs kilomètres de livres à la ronde. J’ai voulu donc, pour étrenner ce blog, commencer par là : ce lieu mythique où se retrouvent des jeunes, des mômes, des personnes âgées, des Maghrébins, des Africains, des Français de souche ou d’élection, des gens de gauche, de droite, de nulle part, au premier degré pour chercher un livre, un DVD, consulter Internet, un magazine ou pour étudier, mais aussi (surtout ?), pour faire des rencontres, jeter des liens, croiser des gens, échanger un mot avec Valérie, Chantal, Emmanuel ou Simon, écouter Nadine donner vie à un conte ou solliciter Azzedine, le Monsieur Internet, pour un conseil en informatique. Car ils sont une flopée d’anges gardiens affables et généreux, d’une disponibilité proverbiale, qui sont toujours prompts à vous servir avec une grande humilité, et qui veillent sur « La Maison » avec une belle abnégation. La « Maison ». J’ai relevé que Pascale employait naturellement, affectueusement, ce mot pour désigner la bibliothèque. Un lieu devenu à tel point familier, « familial », qu’il ne pouvait, en effet, qu’emprunter cette dénomination. Et je le sentais chaque fois que je franchissais le seuil de ce lieu chaleureux, inondé de bonnes ondes. Ce lieu que Pascale a vu grandir, évoluer, jusqu’à devenir un monument hautement symbolique de Chenôve, un sanctuaire de la culture. Qui donc mieux que Pascale pour me le raconter, me raconter sa jeunesse, sa genèse, la formidable histoire de ses murs, le destin de l’une s’étant totalement confondu avec celui de l’autre.

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Pascale est arrivée à Chenôve en 1982. Et c’était avec la mission explicite d’ouvrir l’actuelle bibliothèque municipale. « Je suis arrivée exactement le 1er mars et je devais ouvrir la bibliothèque au public le 1er avril » se souvient-elle. Pascale est originaire de Saône et Loire. Avant de devenir l’admirable directrice que les habitués de la bibliothèque connaissent, elle avait fait de l’alphabétisation au profit d’un public essentiellement maghrébin. « Il y avait des Turcs aussi » précise-t-elle. C’était dans la ville de Gray où elle habitait. « J’ai adoré apprendre à lire à toutes ces bonnes gens. Je voyais le résultat très rapidement. Il faut dire que les hommes étaient moins assidus que les femmes qui mettaient plus d’ardeur à l’ouvrage. Elles arrivaient avec des beignets pour la pause » raconte Pascale. Chaque fois que l’une d’elles arrivait à lire dans un livre, Pascale le vivait comme une victoire sur l’illettrisme. Un petit pas sur la lune. L’avant et l’après le verbe devait un peu être dans son entendement comme un avant et un après le néant tant l’accès aux lettres est vécu – et sans jeu de mots – comme un accès entier à l’Etre. Imaginez l’enfer d’une personne qui ne sait pas lire, et ce, dans un monde où ces « cryptogrammes alphabétiques » sont partout, absolument partout, de la poste à la sécu. C’est un peu comme un aveugle avançant à tâtons dans un tunnel plein de trous.

Pascale connaît parfaitement les codes de la culture maghrébine, et pour cause : elle vécut deux ans en Tunisie, de 1967 à 1969. Son adorable mari, Jean-Louis, y avait été affecté au titre du service militaire, une mobilisation qu’il avait préféré passer sous la forme civile dans le cadre de la coopération avec la Tunisie. « A l’époque, tous les étudiants qui étaient passés par les grandes écoles fuyaient le service militaire. La coopération était une opportunité intelligente. Il fallait éviter à tout prix la caserne » dit Pascale, avant d’ajouter : « On avait demandé Madagascar et la Tunisie en second. Mais pour Madagascar, il nous fallait payer notre voyage, or, on n’avait pas un rond. C’est ainsi qu’on a atterri dans le sud Tunisien ». Et le jeune couple de se retrouver à Médenine, en plein désert. Pascale était à l’orée de ses 20 ans. « Ce fut un moment fondateur pour notre petite famille, la Tunisie » souligne Pascale avec un brin de nostalgie dans la voix. Jean-Louis devait y enseigner le dessin technique dans un collège devenu un grand lycée depuis. Le premier fils de Pascale naît ainsi à Sfax. Et ce n’est autre que le journaliste et écrivain Nicolas Charbonneau qui passe actuellement sur i-télé après avoir été grand reporter à RMC et Europe 1. Il a fait le Rwanda, le Kosovo, la Tchétchénie, ce qui lui vaudra le Prix Bayeux des correspondants de guerre en 1998. Maximum respect ! Il vient de sortir un livre intitulé : La Vème république pour les nuls. Pascale se rappelle comment le futur grand reporter tombait malade en Tunisie : « Ce fut une vraie expérience qui n’a pas été facile parce qu’en fait, mon mari aussi bien que mon fils Nicolas ont été malades. Jean-Louis avait chopé l’amibiase. Moi, par contre, j’étais en pleine forme » Cela ne m’étonne pas. Quand on connaît le caractère de Pascale, son humour, son tempérament jovial et son enthousiasme tonique, il est très difficile de l’imaginer maussade ou asthénique…Ce qui la frappa par-dessus tout, c’était « l’expérience de la nudité » comme elle dit, comprendre la frugalité de cette vie qui jurait avec la société de consommation qu’elle avait laissée derrière elle, et qui, au même moment, était frénétiquement démontée par l’insurrection de Mai 68. Depuis cette belle parenthèse rustique, Pascale est retournée plusieurs fois en Tunisie en compagnie de son mari, un pays pour lequel, dit-elle, « nous avons énormément de tendresse ».

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Après avoir été pendant longtemps femme au foyer « pour élever mes enfants chéris », Pascale qui avait « toujours rêvé d’être libraire ou bibliothécaire », décide de passer son diplôme de bibliothécaire à Dijon et l’obtient haut la main. Elle envoie son CV un peu partout. Dans un premier temps, elle décroche un poste dans une petite bibliothèque nichée dans un coin de montagne à 160 kms de chez elle, une ville industrielle du nom de Oyonnax, dans l’Ain. Elle s’y occupait de la section jeunesse, une fonction qui ne l’égayait pas tellement. « Je faisais des scoubidou avec les enfants » sourit-elle en y songeant. Son CV avait continué de circuler entre temps, si bien qu’il atterrit sur le bureau de Christiane Lucas, la directrice des affaires culturelles de l’époque à la mairie de Chenôve et qui est aujourd’hui un membre très actif de l’association « Un Livre, Une Vie ». Christiane propose donc un poste à Pascale dans la ville de Chenôve. Pourtant, avoue-t-elle, « mon CV n’était pas du tout conforme : d’abord, c’était manuscrit, ensuite, je m’y étais contentée de raconter ma vie, ce qu’il ne fallait pas faire. C’est ma naïveté qui avait parlé. J’avais envie d’être moi-même. Ce qui avait joué en ma faveur, en définitive, c’était le fait que j’avais une expérience auprès de la population émigrée ».

Un dimanche de février 1982, Pascale vient visiter Chenôve avec son mari afin de s’imprégner des lieux. La première chose qui attira son attention, c’était le paquet d’immeubles que percuta son regard, « moi qui n’avais jamais habité que des baraques, même pourries, avec un jardin, de la lumière ». Elle est un peu effrayée par ce décor de barres et de tours, il faut le dire. Mais elle ne se fera pas longue à s’habituer à ce panorama urbain. Le béton de la bibliothèque la rebute ? Qu’à cela ne tienne ! Son caractère trempé sera plus tenace que la grisaille ambiante. Son premier chantier ? « C’était de mettre en route une petite bibliothèque au cœur d’un grand ensemble qui, à l’époque, n’était pas trop problématique encore. On ne parlait pas tellement des banlieues » dit-elle. Pascale avait un mois pour tout mettre en place. Avant, il y avait un semblant de bibliothèque tout de même. « Le lieu était tenu par les dames patronnesses » dit Pascale. « Il y avait une bibliothèque qui était gérée par l’ABC, L’Association bourguignonne culturelle, qui était animée par de bonnes dames dijonnaises. Une bibliothèque d’assoc’ un peu catholique, avec des romans choisis. Dans le rayon géographie, il y avait l’histoire de l’AOF, l’Afrique orientale française, l’AEF, l’Afrique équatoriale française, des livres de 1956… On était en 1982 quand même. Donc, j’avais fait un bon carton de toutes ces archives-là en me disant qu’il ne fallait vraiment pas les jeter ». Pour Pascale, la tâche s’annonçait ardue. Une entreprise aux allures de défi. « C’était un fond à reprendre complètement » réalise-t-elle. Il fallait dépoussiérer le lieu, le « désacraliser » en regard des cités qu’il y avait tout autour, tous ces immeubles aux noms tellement romantiques et tellement…littéraires : Lamartine, Berlioz, Charles Péguy, Georges Sand…

L’implantation de la bibliothèque au milieu du Grand Ensemble, le cœur urbain de Chenôve, à la lisière de la Place Coluche (tout un symbole !) était à l’évidence un beau pari et un choix judicieux de la part du maire de l’époque, le défunt Roland Carraz. C’est un lieu de tous les passages, de tous les brassages. Pour Pascale, c’était le terreau d’une aventure humaine absolument fantastique. « C’était un passage obligé pour les gamins au retour des écoles. Il n’y avait pas le marché à l’époque, mais il y avait un bon petit centre commercial qui était beaucoup plus actif que maintenant » se souvient-elle. Le quartier respirait une certaine fraîcheur juvénile. Les « émeutes » qui devaient faire la (mauvaise) réputation de Chenôve étaient des événements mineurs en ce temps-là. « Elles étaient moins importantes que dans les banlieues lyonnaises. On parle beaucoup des banlieues parisiennes mais à l’époque, c’étaient les banlieues lyonnaises qui chauffaient plus dans les années 1990. En banlieue parisienne, les villes étaient tenues par le Parti communiste, et le PC, au niveau de la gestion communale, est bon. Les bibliothèques étaient assez exemplaires. Il y avait de grandes médiathèques. Ça s’est développé très tôt » dissèque Pascale. L’ex-directrice garde toutefois en mémoire quelques épisodes de haute tension qui allaient vite déborder les cités pour s’étendre vers le bâtiment aux livres. « Ici, il y a eu des moments durs. Mais c’est après 1996, autrement dit, après l’ouverture de la grande bibliothèque que ça a vraiment bardé. Un soir, je me souviens très bien, je me suis retrouvée au milieu de 17 garçons qui avaient fait brusquement irruption dans la bibliothèque. C’était la seule fois où j’ai eu peur. D’habitude, je n’ai jamais peur en pareilles circonstances. Jamais ! Ce soir-là, il y avait un type que je ne connaissais pas. J’ai appris plus tard qu’il venait de Lyon. Il avait une tête de meneur. Ça devait stimuler les petits jeunes qui devaient voir en lui une espèce de caïd. Ce n’était pas comme d’habitude, et c’est pour cela que j’ai été prise de peur. Qui plus est, j’étais seule face à eux. Ils avaient fumé des pétards et faisaient du chahut. Je leur ai demandé de se taire, puis, je les ai priés de sortir. Ils sont arrivés assez vite en faisant du bruit, mais le bruit, ce n’est pas ce qu’il y avait de plus gênant. C’était surtout qu’ils envoyaient valdinguer les livres. Ajoutez à cela les insultes. Mais ce n’était pas normal. Avant, je prenais de grands gaillards par le bras et les faisais moi-même sortir. Maintenant, avec la configuration des lieux, c’est moins facile. Avant, il y avait un grand couloir et j’embarquais des grands qui faisaient 50 cm de plus que moi. Je les tenais par l’épaule, je tenais beaucoup à toucher leur pull, et je les accompagnais jusqu’à la porte. Je me disais attention, tu vas peut-être prendre une baffe, mais je n’en ai jamais pris. Je leur disais : « Vous avez été odieux, franchement, je ne veux plus vous voir ici ! Vous revenez demain et encore, ce n’est pas sûr » Et ils respectaient ça. Ce qu’il y a de drôle, c’est que quand je passais dans le kiosque (le coin presse), il y en avait qui étaient vautrés dans leur fauteuil, les pieds sur la table, et dès qu’ils me voyaient, ils se redressaient et se tenaient correctement. J’avoue que cela me faisait plaisir. Pris individuellement, il y avait des gamins intéressants. C’était cultivé par quelques-uns mais je crois aussi qu’il y a eu un moment charnière où ces gamins ne voulaient plus prendre le marteau-piqueur comme papa. J’ai entendu des choses sur la colonisation du genre : « Ouais, si vous avez une maison, c’est avec la sueur de mon père ». Ils faisaient tout pour me mettre mal à l’aise. Mais en même temps, cela amenait des discussions. Je leur disais : oui je comprends, mais vous devez bosser à l’école. Il fallait donc sans cesse leur rabattre le caquet. Malheureusement, beaucoup avaient compris qu’il fallait arrêter les cours et tenir le hall des immeubles ».

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Comment le rapport entre la bibliothèque et le quartier d’accueil a-t-il évolué, demandé-je à Pascale ? Il est aisé de deviner que la relation de bon voisinage ne s’établit pas de prime abord. Il fallut négocier la présence de ce « corps étranger » qui venait s’agglutiner au paysage. « J’étais là depuis 15 jours à peine et j’ai reçu un papier anonyme sur lequel il était écrit : « Pascale, tu es une grosse pute ! ». Il s’est avéré que l’auteur était une petite Française bien de chez nous. On a eu des carreaux cassés, on a eu des insultes, de tout. Au début, c’est forcément un peu conflictuel. Mais il n’y avait pas une agressivité exagérée. C’était, disons, une période de test. Il y a eu comme ça, successivement, des périodes de test. Là où ça a commencé vraiment à se gâter, c’est quand de vrais loubards se sont mis à s’en mêler. De vrais connards, de gros bêtes. Qu’est-ce qui pouvait les animer sinon le plaisir de faire péter une grande vitre ? Rien d’intelligent, en somme. J’ai pensé dernièrement aux événements de Villiers-le-Bel et n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec la bibliothèque qu’on y a brûlée. Cela a été longtemps ma hantise qu’ils brûlent la bibliothèque parce que on n’est jamais à l’abri du geste d’UN imbécile. Il y a aujourd’hui encore des voitures qui brûlent. Je ne sais pas s’il y en a eu ces jours-ci mais il y en a eu toute l’année. Cela dit, ils n’ont jamais touché à ma voiture ». Pascale touche du bois. Quand je vois des jeunes qui ne font pas spécifiquement partie de la « clientèle » habituelle de la bibliothèque s’adresser à elle avec tant de déférence et de respect, je comprends mieux le rapport qui fut le sien aux enfants du quartier. Un rapport que Pascale n’hésite pas à placer sous le signe de la « maternité », véritable « Bibliothèque de la Tendresse » qu’elle est pour un monde qui en manque cruellement. « Je pense que j’ai eu un rapport assez « maternant », je pense qu’ils ont senti ça, que je les chérissais un peu. C’est vrai qu’il y en a qui avaient des têtes d’anges. Je dirais que j’avais des pulsions d’adoption. Il y a des petits cons aussi, pleins de malice. J’ai toujours pensé que j’étais un peu leur mère. Je voyais que ça leur manquait. Sans faire de bons sentiments, ce n’était pas difficile. J’ai des garçons, j’ai grandi dans une famille de filles, j’aime les petits gars…Du coup, ils ne m’impressionnaient pas quand ils jouaient à leur petit jeu ». Elle avoue tout de même avoir quelque mal avec ceux qu’elle nomme « les gros bêtes », sans l’accord d’usage, comme ça, « gros bêtes », peut-être pour souligner leur irréductibilité de sauvageons primaires.

Grâce à son engagement et à son immense sensibilité, Pascale a su conquérir en très peu de temps même les mauvais garnements. On imagine dès lors son effet sur les publics de la bibliothèque et surtout sur son ancienne équipe, ce personnel dévoué, avenant, amical et généreux qui m’a accueilli comme un enfant de « la Maison ». Pascale me dit qu’elle avait commencé avec quatre collaborateurs uniquement. Oui, quatre, elle comprise. « Des collabroratrices, plutôt » précise Pascale. « En 1991, on était saturés. L’espace était saturé, le public était saturé parce qu’il n’y avait plus de place et l’équipe aussi était crevée et saturée». Il fallut donc agrandir la famille. Aujourd’hui, ils sont plus de dix.

Côté patrimoine, Pascale débuta avec un modeste fond de 6000 titres, dont 5000 étaient obsolètes, « bons pour être offerts à Emmaüs ». Aujourd’hui, la Bibliothèque François Mitterrand compte plus de 100 000 titres. Parmi ses précieux trésors : un impressionnant fond BD de quelques 7000 à 8000 albums, le plus important de l’agglomération dijonnaise. Il offre, qui plus est, la possibilité aux amateurs de Enki Billal, Marjan Satrapi et compagnie d’avoir la série complète de chaque auteur.

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On peut le dire sans grand risque de se tromper : cette bibliothèque municipale est l’un des plus importants lieux de métissage, pas uniquement de Chenôve ou de l’agglomération, mais de toute la Côte d’Or. On y croise des publics de tout âge, de toute origine et de toute condition. Depuis que j’ai eu l’honneur d’y avoir une carte, j’y ai fait plein de rencontres étonnantes et plus intéressantes les unes que les autres. « Les publics ont évolué avec le temps » me dit Pascale. « Ce sont en fait les adultes qui ont évolué. On a toujours eu toutes les couches de la population au niveau sociologique. On a même des dames au collier de perles. Beaucoup de nos lecteurs viennent de Dijon. D’autres viennent de la campagne bourguignonne, à 15 ou 20 km. En 2007, on était à 29% d’extérieurs à Chenôve. C’est pas mal. En même temps, ce n’est pas le but. Le but, c’est de faire venir les gens d’en face. Et cela se fait parce qu’il y a de nouvelles possibilités avec la discothèque et l’espace public numérique qui ont fait énormément bouger les choses ». Depuis que la « nouvelle bibliothèque » a été inaugurée par Mme Mitterrand en 1996, elle a carrément fait un bond en avant. En comptant la salle de spectacles de l’Espace Culturel, la bibliothèque est passée à 1316 mètres carrés. Son nouveau statut de médiathèque et la diversité de ses prestations lui ont permis de conquérir de nouveaux espaces. De nouvelles têtes. Au compartiment audiovisuel dirigé par Cécile et Bernard, je croise plein de jeunes, qui viennent chercher, qui un CD de musique, qui un DVD ou une vidéo d’un film culte. A l’espace Internet, Azzeddine est submergé par les demandes. Il y a aussi le public des scolaires qui viennent solliciter Gérard pour une petite aide aux devoirs dans l’espace « études ». « On voulait donner un coup de main dans la lutte contre l’échec scolaire au profit notamment d’une population un peu démunie » explique Pascale. Gérard que tout le monde surnomme affectueusement « Gégé », ancien colonel de l’aviation, est le seul bénévole parmi ce bel encadrement. Il y a aussi les tous petits qui se ruent sur la section jeunesse où Séverine, Simon et Nadine sont aux petits soins. Que d’astres lumineux dans cette bibliothèque enchantée qui n’est plus ce bâtiment lugubre, austère et fondamentalement scolaire que l’on trouve dans nombre de villes ! Autant d’atouts qui ont fait de ce lieu unique un espace convivial, vivant et drôle. En témoigne cette « Journée du Jeu » organisée en novembre 2007. « Ça avait marché du feu de Dieu » exulte rétrospectivement Pascale. « Il y avait des papy et des mamies, il y avait des jeux partout. Il y a une maison du jeu au Centre Social où l’on peut trouver des jeux marrants. On nous a prêté des jeux de société, ludiques et intelligents, et on en a mis partout, partout. C’était un moment formidable ! Il y avait des papy qui jouaient à la belote avec une animatrice marocaine…C’était un brassage intéressant de mettre ensemble les papy et les gamins, toutes ethnies confondues ». Une image touchante, en effet. Le jeu en valait bien la chandelle. Cela résume parfaitement la dimension citoyenne de la bibliothèque et donne un aperçu de son ancrage social. C’est assurément un travail colossal que celui que fait cette jolie structure, de concert avec un panel de partenaires comme le Centre des Loisirs, la Maison des Aînés et le Centre Social. Victime de son succès, la Bibliothèque François Mitterrand de Chenôve s’avère aujourd’hui de plus en plus exiguë pour contenir ses nombreux aficionados. « L’atelier est saturé, la réserve est saturée, la section audiovisuelle est trop petite » regrette Pascale. Aussi, un nouveau projet d’agrandissement est à l’étude.

Pascale continue de venir régulièrement rendre visite à La Maison, celle de sa seconde famille, pour y répandre sa bonne humeur et distribuer sourires, chocolats et bonjours. La séparation d’avec ses anciens collègues a dû être douloureuse. Chantal Ferreux, sa proche collaboratrice qui l'a accompagnée pendant vingt-quatre ans, a pris la relève avec brio tandis que Pascale s’occupe, entre autres, de…moi. Avec sa verve succulente, elle me fait : « M’occuper de ta résidence est l’une de mes dernières missions avant mon départ à la retraite ». Si tant est que le mot « retraite » s’appliquât à cette fée qui déborde de dynamisme et d’imagination.

Merci Pascale et…je ne suis pas désolé de te connaître…

Mustapha Benfodil

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