samedi 29 mars 2008


Avec les élèves du collège Henry Berger

de Fontaine-Française

Vendredi 28 mars 2008. Aujourd’hui, j’ai eu le plaisir de rencontrer les élèves du collège Henry Berger de Fontaine-Française. J’ai eu à cette occasion à vivre trois séances intenses, d’une heure chacune, avec les élèves de 3ème, 4ème et 5ème. Cela s’est passé dans la salle du Centre de documentation et d’information. Ce fut un vrai moment de bonheur. Les élèves m’ont vraiment épaté par leur vivacité, leur attention et la pertinence de leurs questions. « Quelle est la motivation qui vous pousse à écrire ? », « Quelle est votre source principale d’inspiration ? », « Avez-vous d’autres passions que l’écriture ? », « Ecrivez-vous aussi en arabe ? », « C’est vous qui avez choisi de partir en Irak ? », « Les histoires que vous racontez sont-elles vraies ? », « Combien de temps vous faut-il pour écrire un roman ? », « Quel est votre modèle d’écrivain ? », « Etes-vous censuré en Algérie ? ». J’ai toujours pensé que les plus jeunes, dans la naïveté même de leurs interrogations – si tant est qu’elles fussent naïves à en juger par leur qualité et leur acuité –, vous jettent à la figure les questions les plus profondes et les plus déstabilisants tant elles vont droit à l’essentiel. Et bien souvent, dois-je le confesser, ils me posent une colle car, cela fait tellement d’années que j’écris que je ne me pose plus les questions fondamentales de la littérature.

C’est dire combien ce genre de rencontres est important, pas seulement pour les élèves, mais aussi pour les auteurs en ce que cela leur permet d’aller aux sources de l’insolence juvénile. En ce qui me concerne en tout cas, la magie a opéré. De retourner ainsi sur les pas de son enfance, du temps où l’idée de devenir écrivain ne vous effleurait même pas l’esprit ou était dans les limbes, où cela était encore à l’état de rêve, de vague projet fou et totalement inespéré, est forcément une expérience surprenante. Aussi, de me retrouver, trente ans plus tard, dans la peau d’un auteur comblé d’honneurs me touche et m’émeut. Je n’ai jamais eu droit, à leur âge, de rencontrer un écrivain de mots et de chair. Et aujourd’hui que je suis de l’autre côté du miroir, je n’ai pas l’occasion dans mon pays d’aller à la rencontre de mes compatriotes potaches. Pourtant, l’exercice, loin d’être une simple opération mondaine, est, quand on y songe bien, vraiment d’importance : cela donne à la littérature toute sa dimension citoyenne en permettant d’en faire un art vivant plutôt qu’une langue morte, et du corpus littéraire, un corps pétillant plutôt qu’un épouvantail de papier. Des piles de mots déguisés en livres et enterrés dans les bibliothèques. C’est un peu cette image poussiéreuse que je garde quand je vois la façon avec laquelle on enseigne les Lettres dans plusieurs contrées du monde : un enseignement figé, scolastique et « militaire », réduisant la fabuleuse production littéraire à quelques textes triés sur le volet, très carrés, politiquement corrects et profondément réacs, suintant l’ordre établi, semblables à une police des mœurs. Une police de l’esprit. Des auxiliaires de censure, en somme. Et le stade terminal d’une telle conception des lettres, c’est d’en faire, au mieux, une langue du dictionnaire, coupée de la vraie vie, des tourments profonds de l’homme et du monde, et faisant des bibliothèques, des cimetières de livres.

Voilà qui explique en toile de fond pourquoi je suis toujours heureux d’aller dans les écoles. Je tiens à saluer à ce propos la belle initiative de Mme Joëlle Mounier et Mlle Anne Philippe grâce à qui cette rencontre a pu avoir lieu. Je remercie aussi Madame la Principale, Marie Grenier, pour son accueil chaleureux. Un grand hommage à tous les professeurs de ce collège qui respire la joie de vivre, de lire, d’étudier. Le collège compte 160 élèves issus de tous les villages alentours. Les profs les connaissent tous par leurs prénoms. C’est dire l’amitié et la complicité qui règne entre les uns et les autres.

Je le disais : j’ai été impressionné par les questions des élèves. Et ému par leur accueil et leur spontanéité, même mâtinée de timidité. L’un d’eux, Alexandre, a même eu la gentillesse de calligraphier un de mes poèmes, intitulé « Attentat à l’amour ». Mélanie, au nom des élèves, a eu la bonté de me gratifier d’un beau cadeau, deux superbes livres sur la région ; une région que Joëlle et Anne m’ont fait aimablement visiter, et qui m’a totalement séduit. Je vais en dire quelques mots dans ma prochaine chronique. Merci Henry Berger. Et merci les jeunes pour cette formidable énergie qui a rallumé mes illusions !

Mustapha Benfodil





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