mercredi 19 mars 2008



Bienvenu chez les Bonbis !

En prenant l’avion tôt ce lundi 03 mars de l’aéroport d’Alger à destination de Lyon, j’avais un trac fou. Dans le train qui m’emmenait de Lyon à Dijon, cela allait déjà mieux. Mais dès que j’eus mis les pieds à la gare de Dijon et que je vis les visages avenants d’Adrien, Pascale et Hélène me faisant signe avec le sourire, mon anxiété se dissipa aussitôt et mon angoisse de timide chronique se dégonfla telle un ballon de baudruche. Adrien Cassina, le sémillant directeur des affaires culturelles de la ville de Chenôve, avait ainsi tenu à venir m’accueillir en personne avec son équipe. J’étais très content de voir à quoi ressemblait Pascale Charbonneau. J’étais tous ces derniers temps en contact avec elle par mail (ou mèl ?) et j’eus le sentiment, en lui faisant la bise, de retrouver une vielle copine.

Adrien m’embarqua sans plus tarder dans sa voiture. Direction : Chenôve, troisième ville de la Côte d’Or. Je fus confortablement installé dans un appartement soigneusement meublé, niché dans un petit immeuble rue des Narcisses attenant à l’école En Saint Jacques. Et là, tout de suite, je me sentis chez moi. Car ce n’est pas un appartement froid que j’ai trouvé mais une maison. Une maison à l’ameublement de laquelle une flopée d’âmes exquises ont contribué pour que cela ne fît pas « hôtel ». Je les en remercie pour chaque once d’affection et de confort que j’y ai trouvé. Ma femme Amina ne put être du voyage (elle n’est arrivée qu’aujourd’hui, jeudi 20 mars), mais la chaleur, la générosité et l’enthousiasme dont je fus gratifié dès mon arrivée eurent très vite raison de mon énorme cargaison de timidité et son pendant de « désolés » (j’ai, en effet, autant vous en prévenir tout de suite, un fâcheux tic verbal qui consiste à répéter la phrase « je suis désolé » à peu près toutes les trente secondes). Le lendemain, je fus reçu par Monsieur Jean Esmonin, le maire de Chenôve – qui vient d’être réélu par un score fleuve de 66% dès le premier tour des élections municipales – ce qui acheva de me combler. Toute cette bienveillance et cette sollicitude dont je fus entouré ne pouvaient que me flatter et m’honorer, faisant d’emblée de moi un « Bonbis » de première classe.

A peine installé, mon portrait (réalisé par Hélène) fut placardé un peu partout comme une star. Si bien que beaucoup parmi les personnes que j’avais le plaisir de croiser à la Bibliothèque municipale ou ailleurs, me demandaient gentiment ce que signifiait « être en résidence » et quel était exactement ma « mission » à Chenôve ?

Ce que l’on entend généralement par « résidence d’écriture », une rencontre entre un écrivain et une ville ou une communauté, autour d’un projet. Ce projet comporte le plus souvent une partie publique et une partie personnelle. En d’autres termes, l’écrivain est arraché à sa routine quotidienne qui d’ordinaire l’asservit pour lui permettre de se consacrer entièrement et sereinement à l’accomplissement de son œuvre. En retour, il est attendu de lui une certaine disponibilité vis-à-vis de ses partenaires : rencontres avec les habitants, lectures, conférences, bref, il est censé assurer un minimum d’animation littéraire en faisant profiter de sa présence le (ou les) public(s) qui désire(ent) prendre langue avec lui (adultes, milieu associatif, scolaires…). Cela suppose également, le cas échéant, l’animation d’un atelier d’écriture afin de permettre au plus grand nombre de se frotter aux arcanes de l’art littéraire et percer à jour ses mystères.

La Mairie de Chenôve avait lancé une initiative qui consistait à créer une résidence d’écrivain à compter de cette année 2008 parallèlement à une résidence d’art. Cela s’inscrivait dans une nouvelle politique culturelle qui devait accompagner tout un package de mesures rentrant dans ce qu’on appelle ici « Le Contrat Urbain de Cohésion Sociale ». Un beau projet. Une commission de résidence a été installée à cet effet, soutenue par le Centre Régional du Livre de Bourgogne. C’est grâce à Assia Yacine, la remuante présidente de l’association « Un Livre, une Vie », que j’eus vent de cette initiative. J’avoue que je fus d’entrée charmé par l’argumentaire de ce projet où il était question de « chroniques de terrain » autour du Grand Ensemble, le bloc urbain de Chenôve avec ses chaînes d’immeubles, de tours et de « barres ». Cela parla et à l’écrivain et au reporter que je suis, friand de récits de vie et d’actions citoyennes. Cela consistait à vivre en immersion dans ce quartier métissé, vivant, pluriel qu’est ce lui du Mail (prononcer Maille) et de le raconter du dedans, à la faveur de rencontres impromptues ou organisées. Le support suggéré est des plus modernes : Internet. Le blog. C’est le média à la mode. Rien de plus pratique. Cela ne demande pas de grands moyens, et cela autorise une connexion immédiate entre l’auteur et sa toile de contacts, assurant une interactivité permanente, instantanée, avec la population intéressée. Bien sûr, cela ne pouvait suppléer aux rencontres réelles, charnelles. Les deux ne pouvaient donc que se compléter, au grand bonheur de tous.

Mon dernier roman « Archéologie du Chaos (amoureux) » venait de paraître à Alger. Je le glissai dans une enveloppe et l’expédiai à l’attention d’Adrien accompagné d’un projet d’animation. Quelques semaines plus tard, alors que je me trouvais en reportage, ma femme m’appela pour m’annoncer la nouvelle : ma candidature était retenue. Et aujourd’hui, je suis des vôtres, chères Chenevelières et chers Cheneveliers, et ce, jusqu’au 30 avril 2008.

A quoi sera donc voué ce laps de temps qui, chaque jour, me paraît un peu plus court tant je m’attache à cette ville et ses hôtes à une vitesse exponentielle et que l’appétit ne fait que s’aiguiser autour des mille et une choses que ce précieux projet m’inspire ? Eh bien, grosso modo, cette résidence s’articule autour de deux moments : les chroniques puisées de mon séjour à Chenôve qui se déclineraient comme des « impressions de résidence », et, de l’autre, l’atelier d’écriture. Sans oublier, bien entendu, les rencontres, formelles ou informelles, avec le public. A ce propos, il y a lieu de relever tout de suite ce premier café littéraire qui eut lieu le 18 mars dernier à l’Espace culturel. Ce fut le premier chapitre d’une série de rencontres publiques. Un vrai moment de bonheur. J’en dirai davantage dans une prochaine chronique.

Ce blog sera essentiellement alimenté de portraits de gens croisés à Chenôve, qu’ils soient Bonbis de naissance (« Bonbis » pour mes lecteurs qui ne le savent pas, c’est un peu comme « Ch’tis » pour les gens du Nord : ce sont les Cheneveliers « historiques ») d’adoption, ou, simplement de passage comme moi (même si je me sens de cette terre et de ses gens comme si j’y avais toujours vécu). Ainsi, à travers cette petite lucarne, mine de rien, nous allons nous amuser à bavarder, échanger, en un mot: à créer du lien. Oui. Créer du lien. Jouer au passeur (avec infiniment moins de talent que Zizou, certes) entre des destins épars que le hasard a ramenés ici, dans ce bout de Bourgogne pétri d’amour et de générosité. Vous y trouverez donc une brochette de portraits qui seront la trace de mes rencontres et le gage de ma reconnaissance à tous ces visages, devenus familiers, qui eurent la bonté de m'accueillir dans leur intimité. Qu'ils trouvent ici la marque de ma profonde gratitude.

L’autre volet consiste donc dans l’animation d’un atelier d’écriture. Je lui ai donné pour nom générique « Media Fictions ». Etant à cheval entre la littérature et le journalisme, j’ai songé qu’il serait peut-être judicieux d’explorer ces deux univers en nous interrogeant sur ce qui les unit et les divise. A dire vrai, il y sera davantage question d’explorer le matériau fantastique charrié chaque jour par les médias et d’en tirer matière à un traitement littéraire. Avec les outils du journalisme, nous nous emploierons à convoquer le Réel, à le questionner et le triturer avant de le « vampiriser » en vue de le sublimer par le moyen de la littérature. Dans un deuxième temps, notre action sera concentrée sur Chenôve et ses récits qui s’entrechoquent et s’entrecroisent. Je ne voudrais pas vous en dire plus pour l’instant afin de ne pas déflorer le sujet, mais l’enjeu serait de recueillir une matière vivante pour en faire un roman collectif. Projet ambitieux mais pas impossible, n’est-ce pas ?

Voilà. J’en arrive au terme de mon intro en espérant n’avoir rien oublié. Mon port et mon coeur d'attache se trouvent à la Bibliothèque municipale François Mitterrand où vous pouvez venir me rencontrer. Si vous n'avez pas le temps, l'espace ou tout simplement l'envie, vous pouvez toujours interagir avec moi via ce blog. Je vous accueillerai avec un immense plaisir dans mon petit antre électronique, alors, n'hésitez pas à me faire part de vos réflexions, de vos petites fantaisies, de vos coups de cœur et vos coups de gueule, et, bien entendu, de vos gribouillis secrets, enfouis dans quelque tiroir improbable.

Bon vin, bon vent, bonne vie!

Mustapha Benfodil

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